Écrits

Un savoir inter-dit du lyrique

IL y aurait un savoir, au-delà du sens, que la voix humaine peut, parfois toucher, savoir qui relèverait la tête au lyrique, savoir auquel un « oui » peut être donné. Habituellement, et de plus en plus, devant cette faille, il est porté à reculer. Ceci pourrait rendre compte, pour le psychanalyste – ténor que je suis , des nombreux symptômes des cordes vocales. J’essaie d’aborder cette question dans mon séminaire de cette année « l’énigme d’une voix sans mesure », dont vous pouvez trouver les vidéos sur FB et sur mon site www.sonecrit.com

Le geste lyrique du corps

Il y a un corps, inaccessible à l’observation scientifique. Il ex-siste, c’est-à-dire qu’il n’est pas dans le champ de la science et qu’il échappe, par conséquent, à toute opération de mesure et d’observation. Il est Ailleurs, sans que nous puissions en connaitre le lieu. Il aura fallu un bon-heurt pour le hanter.

Descartes, le penseur, l’a touché du doigt, lorsqu’il écrit une note, adressée à son maitre Isaac Beckmann, après avoir posé son « cogito, ergo sum ». Mais il le passe, sans le savoir, en contrebande en somme :« Quand je monte sur la scène du monde, je m’avance masqué (larvatus prodeo) ».
Pas de pensée sans masque, en quelque sorte, pour Descartes. De là à supposer que la pensée est un masque, il n’y a qu’un pas, celui que fait toute acquisition de connaissances.
Les études, les formations diverses, les titres universitaires se doivent de le perpétrer et même de le brandir comme un pas vers un masque de fer qui rehausse l’humaine pensée.
Pourtant, l’humain ne se réduit pas à ces acquis, prouvés par des diplômes sur le fonctionnement anatomo-pathologique du corps ou sur un autre champ.
Car, ce qu’il ne sait pas qu’il sait, c’est qu’il a dû s’exiler pour entrer dans le concert de la connaissance.
Il revient au chanteur lyrique d’en témoigner, en montant sur la scène du monde avec un masque qui ne masque pas mais qui permet de promouvoir et d’entendre un cri, celui du nouveau-né qu’il fut, qu’il a à trouver, dans le trou de la pensée.
Dans cette perspective, le chanteur se doit de faire retour sur le temps oublié d’un corps inconnaissable qui l’enthousiasme, chaque fois, de façon nouvelle, par la survenue d’une furtive et insaisissable production qui se donne à lui quand une balle roule dans sa bouche, mise en mouvement par la montée et la descente de son sternum et de son abdomen et par la position en R majuscule de sa langue dont la base est fixée au palais, permettant le flottement de son larynx.
Il suffit de regarder le cou de Maria Callas et sa main sur le sternum, pour être sidéré et entendre, derrière le fixe du masque, la prestance d’un geste inouï, dès que la musique trou (v) e cet autre corps à qui elle adresse un salut au bon entendeur qu’il est, d’apparaitre soudainement: « en Toi, Je suis chez Moi »
Cela ne va pas de soi. Car ce qui a été fixé par le développement et la pensée ne semble pas vouloir lâcher le morceau. Il faut y mettre de sa peau pour produire la plus-value gratuite d’un « oui » qui se j’ « ouïe » simultanément en un « Oui, en Moi Tu es chez Toi », adressé à la musique.
C’est le «Oui » de la jouï-sens qu’il faut pour que la vie du vivant puisse continuer ». Ce « Oui » est , à chaque fois, toujours nouveau : ce qui l’apparente au geste de l’artiste. S’il cesse, la vie se résume à ce que rapporte la clinique psychanalytique, à quelques variantes près : se reproduire pour subsister, mettre à mort le rival et retarder le plus possible la survenue de la mort.
Qu’adviendra-t-il du chanteur lyrique quand ce geste ne sera plus porté par le corps de « jouî-sens » ?

Paris, ce 5 mai 2017

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