Esquisse d’un tableau historique du christianisme[1]. Hommage à Condorcet

Vous avez peut-être perçu, en entrant dans ce bâtiment, quelque chose, qui a pu vous rappeler les évènements qui se sont déroulés en  2006, en 1968… mais aussi autre chose.

Nous sommes ici, dans un ancien collège catholique créé en 1255 par le confesseur de Saint Louis, Robert de Sorbon, pour accueillir les jeunes élèves sans fortune. Un enseignement, essentiellement théologique, y était dispensé et son importance fut telle qu’il jouera le rôle de tribunal ecclésiastique.

A la fin du XVI siècle, l’établissement qui a pris le nom « Sorbonne » en 1554,  menace de s’écrouler. Il trouve en la personne d’Armand du Plessis de Richelieu, proviseur de La Sorbonne en 1622, le protecteur actif qui le reconstruit de fond en comble posant le 1er mai 1635 la première pierre de la chapelle qui renfermera son tombeau.

Ce cardinal, ministre de Louis XIII,  ne pouvait penser que La Sorbonne serait fermée par les révolutionnaires en 1791 et que la chapelle où il avait décidé de résider à jamais deviendrait le temple de la déesse Raison.

Le  premier ordre du Royaume de France a succombé à la fin du XVIII siècle : constitution civile du clergé, confiscation des biens de l’Eglise, persécution des prêtres, serment…

La libération qui jaillit comme événement extraordinaire à la fin de ce siècle a profané l’univers sacré de l’Eglise.

Notre projet est d’aller à la rencontre de ce qui peut se dévoiler devant le lieu sacré, pro fanum, au-delà des  significations bien connues -sanction pour les uns, impiété et souillure pour les autres-  et de toucher du doigt ce qui advint au XVIII siècle comme savoir laïc[2] à l’origine de notre modernité.

L’expérience du transfert ne cesse de démontrer que  tout porte à  tourner en rond autour d’un centre, mais aussi qu’il peut arriver qu’à la révolution du ça tourne soit substitué un ça tombe.

Plus,  elle  est sans équivalent du fait qu’elle suppose l’existence  d’un rêve olution ça tourne est équivalent à ça tombe, comme le démontre Newton à la fin du XVII siècle.

Que le lecteur prenne juste la mesure de cette mise qui est étrangère à la pensée; il s’agit d’un savoir absolu. Nous aurons à en rendre compte.

Surprenant message pour notre temps de psychologisme où tout s’explique indéfiniment.

Il se devait d’être transmis par quelqu’un qui franchissait souvent toutes les frontières.

Notre hypothèse est qu’au décours de sa vie, ce voyageur qui n’avait cessé d’errer sans le savoir, abrité dans la vie mondaine du XVIII siècle, a été soudainement arrêté par un expert en tout, assoiffé de liberté, Mozart.

Notre projet est d’en faire entendre la suite.  La parution en 1960 de l’édition du texte original du manuscrit Histoire de ma vie ( édition Brockhaus-Plon), qu’il rédige de 1789 à novembre 1797, quelques mois avant sa mort le 4 juin 1798, pro fane l’image du libertin bien connu. Une mise le dévoile écrivain d’exception[3].

C’est ce périple qui prévaut ici.

 

 

Durant l’été de 1789, un homme de 64 ans, qui a accepté la charge de bibliothécaire offerte par le comte Waldstein dans la château de Duchkov en Bohème, prend la décision de raconter les évènements de sa vie.

Il sait qu’il a été un merveilleux conteur. Son idée est d’écrire pour  jouir de ce qu’il a déjà connu avec plaisir et  nouvellement de ce qu’il a rencontré dans le déplaisir.

Fidèle à la devise stoïcienne, « Sequere déum », suivre le dieu, enseignée par un vieux sénateur de Venise, M. de  Maliepiero, il n’a jamais reculé devant l’imprévu, les événements[4]  en témoignent.

Seul, il se doit de rendre compte de sa gestion « comme un maître d’hôtel le rend à son maître avant de disparaître ».

Il l’annonce avec élégance :  « Membre de l’Univers, je parle à l’air« 

Il ne sait pas encore qu’une autre « jouië-sens »[5] le guide, qu’elle est son maître.

 

 

Deux ans auparavant, il a rendu visite à Mozart qui prépare la première de son Don Giovanni à Prague. La dernière journée de Don Juan l’a inspiré. Il ne le sait pas encore.

Au fur et à mesure que sa plume crisse sur le papier, il commence à toucher du doigt maintenant, à Duchkov[6], le senti-m’ être qu’il n’avait pas mesuré.

Alors, qu’un peu plus tard, au XIX ième siècle, un professeur de français très sérieux du nom de Jean Laforgues traduisant  son histoire à partir de la traduction allemande de son manuscrit  en ait émoussé le tranchant et soit même allé jusqu’à supprimer le mot jouissance,  ne le surprend pas.

Il connaît les censeurs; n’a-t-il pas accepté de collaborer avec les Inquisiteurs de Venise quand il était Confidente ?

Ce souvenir le ramène à ceux  qui ont pris le pouvoir au nom de la disparition des privilèges. Dans cette révolution française, seul Condorcet lui semble garder une dignité[7]. Il n’a toujours pas compris pourquoi il ne s’était pas présenté à lui quand il l’a rencontré en présence de Benjamin Franklin, le 23 novembre 1783, à l’Académie des sciences.

Etait-il  impressionné par la prestance de son savoir ?

Mais pourquoi son projet de constitution, rédigé avec quelques amis et lu le 15 février 1793  à l’assemblée a-t-il été rejeté par les Montagnards conduits par Robespierre ? Un règlement de compte, sans doute.

Il n’était pas comme les autres révolutionnaires; d’ailleurs il n’est pas passé par la guillotine. Elle n’aurait pas pu le reconnaître.

Il sourit à cette idée surprenante.

 

 

Chaque jour, pendant plus de dix heures, il écrit, porté encore et encore, par le mouvement de la langue française qui sait si bien résonner :

« Je baise l’air,  croyant que tu y es »

Rien à voir avec la version du censeur Laforgues « Je lance  mille baisers qui se perdent dans l’air »

M.M., en lui adressant ce billet doux, savait-elle qu’elle lui faisait entendre le don gratuit de la signifiance?

Femme « admirable en tout ce qu’elle faisait« , elle rendait  présente  une présence qui soudain l’habitait et qui se dévoilait à ce moment même, dans les mots de l’Autre où elle ek-sistait.

Mais qu’est-ce qui l’a conduit à cette langue qui n’était pas sa langue maternelle et dans laquelle se donnait une Autre « jouië-sens » toujours insaisissable et qui l’emportait au-delà de ce qu’il avait pensé jusque là?

Une odyssée, la sienne. Il la découvre à plus de soixante ans.

Le 2 avril 1725, le jour de Pâques, il naît à Venise sous le nom de Giacomo Casanova.

Le père officiel est Gaétano. Il  aurait été le fils naturel d’un Grimani, patricien de Venise. Sa mère, Zanetta, comédienne, belle et charmante, aura eu une liaison, à Londres, avec le prince de Galles d’où naîtra un demi-frère, François.

Mais le décor est Autre, son opéra dépasse la comédie d’une liaison amoureuse qui a présidé au destin d’un  peintre de batailles.

Ce sera le XVième siècle avec comme ancêtres, un Don Jouan, maître du sacré palais à Rome, un Marc-Antoine, poète, un Jacques Casanova, militaire, et surtout, dans le dossier de son père, Jacobe Casanova qui « enleva du couvent D. Anna Palafox le lendemain du jour qu’elle avait fait ses voeux »

 

Avec ce roman familial, il monte sur la scène de sa vie, comme analysant :

« Je fus imbécile jusqu’à huit ans et demi. Après une hémorragie de trois mois, on m’a envoyé à Padoue où, guéri de l’imbécillité, je me suis adonné à l’étude, et à l’âge de seize ans on m’a fait docteur, et on m’a donné l’habit de prêtre pour aller faire fortune à Rome »

L’essentiel en quelques mots.

L’existence de Giacomo débute sous le regard d’un savoir anonyme qui le fige; il ne peut ni parler ni se souvenir jusqu’à  l’âge de huit ans et quatre mois.

Assistant aux hémorragies qui l’affaiblissent, sa grand-mère, Marzia, dont il était le bien-aimé, a l’intuition d’être en présence d’un savoir qui dépasse toute limite connue.

A l’insu de la famille, elle l’emmène à la rencontre d’un autre savoir, lui-même au-delà de toute limite, celui d’une sorcière.

Celle-ci l’enferme dans une caisse d’où il entend dans sa voix quelque chose qui transcende les rires et les pleurs qu’elle exhale. Un savoir nouveau se donne à lui, il s’éveille.

Alors, elle le sort de ce lieu qui n’est plus topographique puisqu’il est devenu topologique, elle l’emmaillote, lui  frotte la nuque et les tempes avec un onguent « à l’odeur suave », l’habille et surtout lui annonce la réduction de son hémorragie à condition qu’il ne parle à personne de ce qu’il vient d’advenir. Si oui, une dame bienveillante lui rendra visite la nuit prochaine.

Il pense au déroulement chronologique de sa vie :

D’abord, l’appel symbolique du savoir féminin  qui le porte à l’existence.

Ensuite, la quête de l’imaginaire des corps à corps.

En trois, la rencontre du réel avec l’ouverture secrète du  Don Giovanni  de Mozart[8].

A cette évocation, juste résonnent les premières mesures du Don Giovanni.

Quelque chose le sonne ; il ne l’avait jamais entendu. Il se souvient de la confidence de Mozart accueillant une ouverture dans l’ après-coup [9].

Il fait la même rencontre et plus rien n’est comme avant. Histoire de ma vie advient un écrit sur les multiples portées d’une même partition, sonécrit, où se fait entendre, en même temps, ce qu’il avait classé  dans la succession chronologique.

Ce tempo nouveau l’enchante.

Porté par la musique qu’il aura entendu à Prague durant l’automne bohémien de 1787, il se souvient de son arrivée à Paris.

 

Auparavant, à Parme, une française, Henriette l’avait initié à l’amour français et en français,  jouissance du corps féminin, « jouië-sens » du corps de la langue et à l’au-delà du sens des mots qu’elle lui laisse sur la vitre de l’hôtel à Genève « Tu oublieras aussi Henriette ».

Avec ce viatique où il reconnaît  la vérité dans la tromperie, il passe par Lyon pour entrer dans la franc-maçonnerie. Etrange voyage, pense-t-il en souriant.

 

C’est la première fois qu’il vient à Paris. Ce qui le laisse pantois, c’est l’air de liberté des Parisiennes qui l’enchante. Il ne comprend pas que Schopenhauer, après Rousseau, les aient jugées arrogantes. Mais qu’importe ! Il est tout à l’opposé.

Sa joie à Paris est de se trouver dans l’omniprésence des femmes, de leur audace, de l’esprit qu’elles témoignent.

Son admiration est entière, leur description  enthousiaste et la mémoire de ses faux-pas devant ces femmes élégantes, moqueuses, observatrices et critiques l’enchante, encore.

 

La sorcière qui a présidé à l’ouverture de son opéra ne l’a jamais quitté,  la cachette symbolique d’où l’être parlant sidéré peut entendre l’invocation qui le pousse à prendre la parole, le garde du savoir re gardant qui se présenterait.

C’est ainsi qu’un jour, à l’opéra justement, chantant avec le délice de l’accent vénitien qui s’entend dans sa voix, que les fenêtres sont « calfoutrées », il s’est surpris en train de répliquer du tac au tac à la voix de Madame de Pompadour qui l’interpellait sur Venise précisément :  » Venise n’est pas là-bas , Madame, mais là-haut. »

Venise est si proche de Vénus…

« Ma vie est ma matière, ma matière est ma vie » , c’est sa façon de lier le baroque au classique, de conjuguer l’impossible.

Ses connaissances lui auraient permis d’ être officiellement médecin, prêtre, avocat, traducteur, hommes d’affaires et plus encore… Il sera tout à la fois.

Il ne manque pas de panache  pour guérir le patricien Bragadin qui se meurt sur sa gondole et trouve ainsi le protecteur à sa démesure.

Il amuse ses interlocuteurs  grâce à son génie Paralis avec qui il communique, par écrit, en transformant les lettres en chiffres. Ah, le génie de l’écrit ! Il n’en revient toujours pas.

Il se doit d’en laisser la trace, maintenant, dès les premières lignes :

« La doctrine des stoïciens, et de toute autre secte sur la force du destin est une chimère de l’imagination qui tient à l’athéisme. Je suis non seulement monothéiste mais chrétien fortifié par la philosophie qui n’a jamais  rien gâté »

Histoire de ma vie commence par un hommage au christianisme et se termine en latin sur l’évangile, evangelium[10], le sien.

« Non erubesco evangelium »

Ce 17 novembre 1797. Jacques Casanova[11].

Je ne rougis pas de l’évangile que j’ai trouvé .  « Profanateur  » s’écrie le défenseur du lieu du sacré.

Alors prudence, attendons le dernier moment pour l’écrire. A l’instar de Galilée, prévenu par la mise à mort de Giordano Bruno, qui annonce secrètement à ses collègues ses découvertes sous forme d’anagrammes écrits dans des distiques latins, il ne dévoile rien.

Il se fie à cette parole biblique énigmatique oubliée: « tu ne me chercherais pas si tu ne m’avais pas déjà trouvé(e )[12] « .  Il l’entend souvent depuis quelque temps.

Mozart est juste à côté de lui, sa présence rend présent le présent d’une présence à l’ombre des Lumières du XVIII siècle.

Il ne l’avait pas encore  reconnue.  Il le sait maintenant, c’est elle qui l’a poussé à jouer du violon dans sa jeunesse. C’est elle qui le faisait venir et revenir pour écouter  la musique du finale du Don Giovanni. Que tendait-il à entendre ?

un rêve olution qui réveille, celui du un.

L’ Histoire de l’opéra privé qu’est sa vie vient de ce moment. La mise en scène des trois personnages qui se connaissent bien, le monothéisme, le christianisme et la philosophie n’a jamais été aussi actuelle.

Bien sûr, il lui est arrivé d’ interpréter le christianisme comme un détournement du judaïsme par Paul de Tarse. De tels propos s’échangeaient en privé. Alors, motus.

Ce qui se disait ouvertement, c’est le credo, écrit et édicté après le concile de Chalcédoine de 451[13], que chaque néophyte se doit de faire entendre le jour de son baptême. Cette première proclamation de foi le fait entrer dans l’Eglise une, sainte, catholique et apostolique. Il est admis, nommé à. C’est un chrétien.

Catholique, l’Eglise est universelle, cath olos, selon le tout. Elle se voue à convertir au tout, de haut en bas; c’est la mission apostolique qui pousse tout un chacun pour constituer le tout de l’ensemble

Sainte, elle le consacre et se consacre à lui.

Mais où l’Eglise a-t-elle  trouvé ce savoir du tout comme somme de l’un, de l’un comme unien ? Savait-elle qu’il est l’anagramme d’ennui dans la langue qu’il chérit, le français ?

Ce qui est évident c’est qu’elle a réussi et que ça continue universellement, les athées n’ont-ils pas leur superstitions cachées du tout ?

Il a surpris plus d’un Grand de ce siècle. Il se souvient plus particulièrement du déiste Voltaire à qui il a rendu visite en 1760 à partir de ce qui l’a précédé, la rencontre de l’écrit d’Henriette toujours gravé sur la vitre de l’hôtel à Genève.

Elle en savait un bout sur le tout de l’amour.

Rien à voir avec la cour dont s’entourait le philosophe.

L’opéra privé qui se donne à lui maintenant est Histoire du Tout, la sienne. Henriette aura été son ambassadeur auprès des autres femmes.

Alors que le discours habituel établit des statistiques, dresse un catalogue, à l’instar du censeur Léporello…

Ce n’est pas ça, Mozart, Henriette et quelques autres.

Histoire de ma vie se donne à qui peut l’entendre comme tressage du monothéisme, du christianisme et de la philosophie. Ca n’a rien à voir avec le dressage des anciens Pères de l’église et des nouveaux Papes de tout bord.

Il se souvient du message laissé par un grand voyageur, Paul de Tarse, qui parlait puis écrivait, comme lui.

L’événement est relaté dans l’épître aux Galates écrit vers l’an 57.

Paul vient d’apprendre le détournement de son enseignement par des prédicateurs de la Loi. Il ne réfléchit pas, il le fera un an plus tard en rédigeant l’épître aux Romains plus tempéré. Immédiatement,  sa voix pro fane:

« Il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni libre, il n’y a plus  ni homme ni femme ; car tous vous êtes un en Jésus-Christ » Gal. ,3, 28 ; Trad. Segond.

Jusque là, il avait pensé que Paul énonçait une christologie, toujours la même, la proposition de Jésus sauvant par sa mort et sa résurrection non seulement un pécheur mais tous. L’ Eglise a toujours tenu cette interprétation. La mission de Jésus est la rédemption des péchés par la grâce.

Maintenant, la torsion de l’énoncé de Paul l’arrête. Il y a de quoi :  trois impossibilités – qu’il sait bien, lui Paul, possibles dans la réalité – sont formulées négativement pour se résoudre par l’affirmation du tout en un.

Il est sonné. Tout ce qu’il savait déjà ne tient plus. Il découvre un savoir[14]  qui se donne comme suite logique impossible à comprendre.

Ce qui lui donne sa valeur, c’est que l’Eglise l’a convertit lui même.

Paul n’en reviendrait pas. Henriette sourirait. Mozart éclaterait de rire.

Le rideau tombe

Le psychanalyste applaudit. Il a reconnu la mise secrète du savoir dans le réel, celui qui dit sans parler et sa substitution habituelle par un savoir à ascendance imaginaire[15] qui, lui, dit à sens unique en universalisant le tout.

Il est apparu, à la suite de Freud à la fin du XIX siècle, pour en répondre.

Il connaît l’importance du moment dans le transfert où une torsion met en jeu l’absolu du savoir sur la scène pour que des traces insistantes de ce réel  s’écrive le savoir inconscient.

Il ne récuse pas la différence sexuelle qui répartit l’homme et la femme chacun à sa place,  sous une bannière, mais il ne reconnaît que l’expérience du discours pour aborder l’énigme de l’universel et du sexuel.

Il n’est pas sans savoir que celui qui se dit homme, la dit-fâmme la dite femme, jusqu’à ce qu’un savoir inconscient tisse la torsion qu’est l’univers de l’amour.

Tout homme n’est pas femme, juste mode d’introduire au fait que le discours du tout de l’homme conduit à une fermeture de l’univers d’une femme.

D’un côté l’homme, de l’autre une femme. Comment la rencontre peut-elle advenir ?

Il aura fallu qu’advienne une femme pour que tout homme accède à l’amour qui est autre chose que l’un de l’unien ou du quelconque puisqu’il suppose l’Unique.

Telle serait la mise de tout être parlant d’être déchiré entre le tout de l’homme et le pas-tout d’ une femme. Le savoir moderne peut conduire là, à condition de ne pas le lui demander.

Et résonne l’universel de ce qu’elles désirent porté par la voix de Lacan :  télé vision :

« Toutes les femmes sont folles, qu’on dit. C’est même pourquoi elles ne sont pas toutes, c’est-à-dire pas folles-du-tout, arrangeantes plutôt : au point qu’il n’y a pas de limites aux concessions que chacune fait pour un homme : de son corps, de son âme, de ses biens »[16].

 

Il est amusant de penser que Casanova qui a écrit une lettre de 150 pages à Robespierre en 1791 lui a parlé de sa découverte.

Elle n’a pas trouvé son destinataire.

Le « faux curé », comme l’a baptisé Condorcet, a participé activement à l’instauration de la terreur.

Il sera décapité, comme il a décapité les Capet.

 

Paris 28 février 2007                         Jean Charmoille

 

 


[1] Ce texte est l’écriture qui vient dans l’après-coup de la parole déployée à mon séminaire « Qu’est-ce que le savoir ? »  en  2006 –2007 et dans communication au Colloque d’Insistance à La Sorbonne le 27 janvier 2007 « Le siècle de Mozart et de Casanova, l’ombre des Lumières et la révolution française » Le premier peut être trouvé dans  « Audio » et  le second dans « Vidéo » de mon site Internet :  www.sonecrit.com

[2] Les psychanalystes pourront penser à l’article de Freud sur la psychanalyse laïque, celle qui, justement, profane.

[3] « Casanova l’admirable » Philippe Sollers. Folio 2002 ;

[4] que nous ne décrirons pas puisque nous partons de leur limite.

[5] impossible à définir, ce néologisme de Lacan ouvre à tous les sens, ce en quoi il est un signifiant

[6] Où l’on peut entendre dux, le maître

[7] Condorcet. Un intellectuel en politique. Elisabeth Badinter, Robert Badinter. Fayard . 1988

[8] Il n’a pas pu le dire puisque Histoire de ma vie s’arrête sur l’année 1774. Le vide causé par cet arrêt nous permet la mise en scène de  cette fiction, dont nous avons montré l’importance (note 11 à venir)

[9] Mon article « Mozart et le cri de Don Juan », en ligne sur mon site www.sonecrit.com et paru dans la revue Insistance 1 Eres 2005 pp 37-43

[10] mot latin qui provient du grec eu aggelion , bonne nouvelle

[11] C’est ainsi que se termine  Précis de ma vie  écrit à Cécile de Roggendorff, juste avant d’interrompre la révision d’ Histoire de ma vie, six mois avant sa mort.

[12] Supposition du féminin.

[13] Je remercie Henry Fontana pour cette précision

[14] que nous avons reconnu dans le  livre passionnant de Jean Claude Milner « Le juif de savoir« . Grasset 2006

[15] Jacques Lacan.  Séminaire du  15 février 1977

[16] Jacques Lacan. Télévision. Seuil. P.63-64.